Sensée qui n'existe pas

– d’après Robert Desnos – 


Au long du Bassin Rond,
un porte-avion de toutes les couleurs
avec des fleurs en guise de canons,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au bord du Bassin Rond,
un chemin de halage venant d’un arc-en-ciel
et filant à l’anglaise à travers les bois,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au-dessus du Bassin Rond,
un pont où passe un cheval en maillot de bain
pour aller se baigner dans l’eau fraîche,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Eh ! pourquoi pas ? 

                           *

Au long de la Sensée,
une écluse pleine de péniches vides
avec des voiles,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au bord de la Sensée,
un chemin de halage
venant du passé et filant vers le futur,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au-dessus de la Sensée,
un pont où passent des sous-marins
pour aller vers le ciel,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Eh ! pourquoi pas ?

                           *

Au long de la Sensée,
une usine de géants
d’où sortent des nains,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au bord de la Sensée,
un chemin de halage venant de nulle part
et filant autre part,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au-dessus de la Sensée,
un pont où passent des péniches
pour aller au déchirage,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Eh ! pourquoi pas ?

                           *

Au long de la Sensée,
une usine de câblage
avec des vers,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au bord de la Sensée,
un chemin de halage venant de Marseille
et filant à Moscou,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au-dessus de la Sensée,
un pont où passent des personnes
pour aller vers la vie,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Eh ! pourquoi pas ?

                           *

Au long de la Sensée,
un bateau de papier
avec des ailes,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au bord de la Sensée,
un chemin de halage venant de Lisbonne
et filant à New-York,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au-dessus de la Sensée,
un pont où passent des arbres
pour aller à la fête nautique,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Eh ! pourquoi pas ?


                           *

Au long de la Sensée,
une usine d’éclats de chocolat
avec des gousses de vanille,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au bord de la Sensée,
un chemin de halage venant de nulle part
et filant à l’infini,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au-dessus de la Sensée,
un pont où passent des sauterelles
pour aller au hangar de compétition,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Eh ! pourquoi pas ?

                           *

Au long de la Sensée,
un brasserie où se restaurer
dans son automobile,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au bord de la Sensée,
un chemin de halage venant de la tour du pigeonnier
et filant à vélo,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au-dessus de la Sensée,
un pont où passe un hôtel
pour aller à l’église,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Eh ! pourquoi pas ?

                           *

Au long du Bassin Rond,
de longues péniches à quai – ou qui naviguent
avec des voiliers de plaisance sans personne à bord,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au bord du Bassin Rond,
un chemin de halage venant de Strasbourg
et filant à Brest,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au-dessus du Bassin Rond,
un pont où passent les Imbéciles
pour aller au-dessus de la Sensée,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Eh ! pourquoi pas ?

                           *

Au long de la Sensée,
un pont de bois et de ronces
avec des tonnes de stalactites,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au bord de la Sensée,
un chemin de halage venant de la forêt vierge
et filant au cœur de l’Amazonie,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au-dessus de la Sensée,
un pont tournant où passent des planches à voile
pour aller à l’Escaut,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Eh ! pourquoi pas ?

                           *

Au long de la Sensée,
une coopérative de vignobles
avec des escargots,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au bord de la Sensée,
un chemin de halage venant de la Tour des Singes
et filant à travers bois,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au-dessus de la Sensée,
un pont où passent des chars
pour aller à la cathédrale,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Eh ! pourquoi pas ?

                           *

Au long de la Sensée,
un train à vapeur
avec dix bateaux de 275 tonnes câblés qui suivent,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au bord de la Sensée,
un chemin de l’enfer du Malin
et filant au paradis des Imbéciles,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Au-dessus de la Sensée,
un pont où se croisent le Malin et les Imbéciles
pour aller l’un au Bassin Rond et les autres à Estrun,
ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Eh ! pourquoi pas ?

                         *            *

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