Malteurs
Je bouche également les petites fuites de poussière
et trempe l’orge deux jours pour que le grain s’entrouvre
il y a plus de risque d’ensevelissement dans une vie moyenne que dans mon métier
(poussière, grain, ensevelissement)
je dépense trois à quatre fois le smic en énergie tous les jours
afin de dégager l’énergie germinative du grain
tu vas voir la trempe que je vais te mettre, dis-je à la tonne
(énergie, énergie, trempe)
d’orge brassicole que mélangeront des bras d’inox dans les cuves
Marot est un poète, mais aussi le nom d’une machine
qui s’ajoute à une autre et une autre, je les aperçois toutes schématiquement sur un écran
(brassicole, machine, s’ajoute)
la malterie, je la fais tourner tout seul et sans cesse, moi-même pris dans un roulement.
*
Le malteur se dit « naisseur », il donne vie à l’embryon
celui qu’attend telle brasserie à Cuba ou en Thaïlande
le malteur se sait « tueur », sept jours plus tard et sans scrupule
(naisseur, Thaïlande, scrupule)
le touraillage réussi donne l’arôme
de la future bière de garde à l’abri sous la mousse
les petits geysers qui crèvent l’écume de la trempe
(touraillage, bière, écume)
travaillent sur ordre des logiciels
et les conduits ont des blessures et des rustines
attaqués de l’intérieur par les orges abrasives
(travaillent, blessures, abrasives)
les grandes orges qui ronflent, soufflent, crachent, parfois explosent.
*
Grutiers à la plateforme multimodale de Saint-Saulve
L’Escaut préadolescent, dans la croissance de son cours, soutient
comme une plume la péniche qui porte ses rangs de conteneurs
ceux que je lui confie par empilement, moi la grue, moi le pont roulant
(l’Escaut, porte, grue)
moi le grutier dont la force d’Hercule est d’un seul doigt sur la télécommande
et de générations infatigables d’ingénieurs incorrigibles
ce jeu d’enfant monté en graine et salarié par choix
(grutier, infatigables, jeu d’enfant)
voit passer quatre saisons, douze mois plus un treizième
dans le meilleur des cas, fraternise avec les cormorans
et les bateliers automatiques dans leur timonerie qui digèrent
(passer, fraternise, bateliers)
je vois tout, du haut de ma tourelle, je vois Anvers, je vois Shanghai et Montevideo.
*
Éclusier
Le métier engagé dans le maelstrom
de la compétitivité mercantile
il manque déjà terriblement d’oxygène
(métier, compétitivité, oxygène)
l’éclusier surplombe le fil de l’eau
marqué d’un à-plat bleu sur son écran
combien de temps encore les deux pieds sur le site ?
(surplombe, bleu, site)
le bouquet de lilas tout frais perdure
dans un litre d’eau ex-minérale en plastique
et les bittes bleues sont à tête d’homme
(lilas, plastique, bittes)
uniformisés selon des normes probablement européennes.
Jacques
* *
A la sortie des Malteries Franco Belges....
De la bière, il y a l’Egypte,
Qui matura le malteur du Nil,
Qui, là, essaima les malteries...
(Égypte - Malteur – Malteries)
L’embryon d’orge naît pour le monde.
Trempé, puis germé et touraillé,
Il devient moût d’ale, à la Page.
(Embryon - Touraillé – Page)
Alors plutôt qu’à croquer le grain,
A en perdre les dents de devant,
Buvons jusqu’à post-amertume!
(Grain - Dents – Amertume)
Levons nos verres, pas à titre posthume !
*
Sur les bords du canal....
L’Escaut en devenir,
C’est prendre, par vingt pieds,
cent mille caisses empilées!
(Escaut - Pieds – Empilées)
La Freyssinet sombre,
Perdant son tirant d’eau
Devant cette armée des ombres...
(Sombre - Tirant – Ombres)
De tracteur rouge en pont,
De pont bleu en cales noires,
L’Escaut se mine de plomb!
(Rouge - Bleu – Plomb)
L’Escaut se perd et demeure encore....
François
* *
Malterie Franco-belge
Donner la vie dans l'averse des chiffres
un sacerdoce qui tourne dans l'odeur de poussière
un chemin d'orge tournant à l'envers des aiguilles
(vie, sacerdoce, aiguilles)
Deux rangs de printemps avalés par le container
empilés, secoués, triés, retraités,
les dents qui tombent et le bruit qui rend sourd
(printemps, secoué, tombe)
Au loin Mecque de malt et fond de roulement
un sas de chaleur dont les portes restent closes
un pas de tango qui ne peut se résoudre à oser le retour en arrière
(Mecque, porte, Tango)
100% de printemps en bordure de l'Escaut
Donner la vie dans l'averse des chiffres
un sacerdoce qui tourne dans l'odeur de poussière
un chemin d'orge tournant à l'envers des aiguilles
(vie, sacerdoce, aiguilles)
Deux rangs de printemps avalés par le container
empilés, secoués, triés, retraités,
les dents qui tombent et le bruit qui rend sourd
(printemps, secoué, tombe)
Au loin Mecque de malt et fond de roulement
un sas de chaleur dont les portes restent closes
un pas de tango qui ne peut se résoudre à oser le retour en arrière
(Mecque, porte, Tango)
100% de printemps en bordure de l'Escaut
*
Containers
Un photographe chemise blanche
fouille le fleuve sale du bout de l'objectif
le chemin de halage s'est perdu dans le containers
(blanche, sale, perdu)
Des caméras video encerclent le béton vide
une odeur de malt s’attarde dans le jour
sur la rive d'en face, un cycliste fixe sa roue
(caméra, s'attarde, roue)
Les fourmis s'agitent dans la mousse et les brisures de silex
un péniche chargée d'ordure passe
le vent s'accélère dans les peupliers
(silex, ordure, vent)
le grutier fait la sieste peut-être même l'amour
*
Écluse
Le mouvement de l'eau maronnasse
prisonnière des portes
tourbillonne dans l'enclos
(maronnasse, prisonnière, enclos)
Un gendarme tâché
arpente la rouille des bords
et l'éclusier se souvient
(gendarme, rouille, souvient)
Le temps des paroles et du temps
lui qui n'a jamais pris le fleuve
comme un garde barrière piéton
(temps, fleuve, garde)
Les passages interdits se contournent
*
L'amour au travail
Faire l'amour au travail
dans la cahute de l'éclusier vitrée
avant que l’œil des mariniers n'émerge
(faire, cahute, marinier)
À quelques pas des maisons de briques
sous le talus de colza jaune fou
jupe retroussée jambes chaudes
(pas, fou, retroussée)
Ventre offert au porteur de sourire
avec le parfum lancinant des lilas
et ce plaisir qui cogne
(ventre, lilas, cogne)
Caméras braquées sur les portes au labeur
*
Rêver
Écrire pieds nus le long de l'Escaut
sous l'ombrage odorant des lilas
se fondre au rêve du vieux fleuve
(Escaut, lilas, rêve)
Sans autre soubresaut que l'été
dans l'oisiveté jubilante
se moquer des fourmis du travail
(autre, jubilante, moquer)
Décompter vaguement les orteils
regarder les garçons torse nu
qui font mine de pêcher des silures
(orteils, garçon, pêcher)
À mon âge dit-elle je n'ai plus le temps de rêver
Marie
* *
Le malteur
Le malteur, c'est le même, et voilà
La trempe vient sous-eau puis sous-air,
Puis ça germine, et puis ça touraillage
(malteur, sous-air, touraillage)
Toujours obligés d'avancer
On est des obtenteurs loin du tango
chassant l'ombre des ténébrions
( toujours, tango, ténébrions)
La poussière, on la vend, et voilà
On va sa vie en silos, flux tendus,
J'ai failli rêver de malterie
(voilà, silo, failli)
une post-amertume dans la gorge
*
Terminal à containers
On a deux heures de temps devant nous
Contre une porte fermée derrière laquelle
se prélassent de longs cubes inertes
(heures, laquelle, cube)
On marche en petite troupe mi-errante,
mi-résolue de rendre des comptes
au fleuve qu'aucun chiffre n'affole
(troupe, rendre, chiffre)
Faut-il choisir entre cormorans
ou ferrailleurs, se demande-t-on
mais pas longtemps, heure de la sieste
(entre, ferrailleurs, sieste)
Un éclair au café dans le ciel
*
L'écluse de Fresnes-sur-Escaut
Faut être honnête, dit l'éclusier
Je suis voyant, quand même, sur les bords
les bateau bientôt vivront sans moi
( éclusier, voyant, bientôt)
L'écluse demain jouera sans témoin
à presser les bateaux sous ses pinces
tête à rive gauche, tête à rive droite
(témoin, presser, rive)
Les gens iront au bar s'occuper
du tiercé gagnant et laisseront
les automates se disputer seuls
(bar, gagnant, automates)
Rideau, le canal du temps jadis
Dominique
* *
Les malteries
Seul dans sa cabine il tient un cahier de quart
le pilote, capitaine d’une mer de grains
dont les accidents (ne parlez pas de malteur)
(cabine, grains, malteur)
sont à redouter, si la sensibilité
à l’eau, à la sous-eau, au sous-air, au souffre
vous blesse, il reste l’espoir d’un deux rangs-printemps
(redoute, souffre, blesse)
meilleur, d’une post-amertume dans la gorge,
celui d’un embryon touraille net dans l’œuf,
d’un embryon qui s’est pris une méchante trempe
(post-amertume, touraille, trempe)
dont la germination fera éclater la bière.
*
Ce n’est pas l’amer à boire d’avaler des particules
élémentaires de poussière, de radicelles, pelesse
les aux chiens chats vaches moutons cochons couvées
( l’amer, pelesse, chiens )
gros grain d’orge quand te petitgraindorgeriseras-tu
quand te calibreras tu 6, 4, 2,2 RH
quand te tremperas-tu plusieurs fois dans la même
( grain, calibreras, tremperas )
eau de forage, petit grain d’orge, quand
optenteras-tu le petit grain d’orge optimal
quand transborderas-tu direct vers Anvers
( forage, optenter, Anvers )
petit grain d’orge tu finiras à l’exportation grande.
*
Contargo
À mi chemin de container et de cargo
la langue industrielle a Contargo
un site à contourner le samedi
( container, industrielle, site )
un empilement gigantesque, monstrueux
presque enfantin de parallélépipèdes rectangles,
deux formats 30 ou 15 mètres de long
( monstrueux, enfantin, format )
à l’immobilité temporaire duquel
répond la permanence liquide
de l’Escaut, lequel transporte sans trêve
( immobilité, permanence, trêve )
ascensionnelle les bateaux descendant vers le port
*
Lorsqu’elle descendait l’Escaut fleuve impassible
la péniche n’était pas tirée par les haleurs
chargée de métaux déchets brillants et bigarrés
(Escaut, haleurs, métaux)
les conteneurs criards n’avaient rien pris pour cible
empilés comme briques dont on fait un dédale
ou un jeu de géants ; le massacre si par colère
(criards, dédale, géants)
l’un d’eux vient à tout bousculer, legos bleus et
rouges effondrés, et le pont transbordeur piétiné,
écrasée l’araignée aux pinces aimantées
(legos, transbordeur, araignée)
vu du fleuve l’homme est moins qu’un ténébrion
*
L'écluse
Encore un mystère fouilleur
de têtes à microcentrales
se résumant à une baignoire
(mystère, microcentrales, baignoire)
qui se vidant en remplit une autre
un mariage hydraulique pour péniche
proprette ou plus sérieusement métrée
(remplit, hydraulique, proprette)
ou bien c’est un vortex sans fond
qu’on est éclusier de grand-père en père,
qu’on n’entretient pas la Scarpe, que l’éclusier
(vortex, père, Scarpe)
tiendra son cahier automatique depuis Dunkerque.
Cécile
* *
Groupe Soufflet
La malterie est un espace de métal
Elle ne traite que du vivant
Elle tire sa richesse de la terre
(métal, vivant, terre)
Les céréales sont vivantes et donnent leur énergie
L'homme tire profit et plaisir à modifier
Leur complexité chimique
(complexité, vivantes, chimique)
L'épi à deux rangs, l'épi à six rangs
Pas la même sensibilité et pourtant
Ils vont en bière parcourir le monde
(sensibilité, bière, monde)
*
L'Escaut, le port, Saint-Saulve, les containers
Travail et culture, deux mots qui devraient s'entendre
Deux mots qui se repoussent
Essayer de les joindre, c'est difficile quand on n'est pas une privilégié
Travailler pour avoir le temps de se reposer et de se cultiver, ou alors, croire en la décroissance
Le canal ! Le creuser : Quel travail avant de venir voir couler l'eau vers la mer
Le canal est aussi utilisé pour faire tourner les usines et transporter les biens pour tous.
« Le le batelier promène sa maison naine
sur les canaux qui font le tour de la Hollande
Et de la Flandre et du Brabant
Et Mons, Tournai, Condé et Valenciennes
L'ont vu passer, en se courbant le front sous les arches anciennes de leur grands ponts »
Les choux et raifort sont remplacés par du bois en paillettes montant vers la chine
et des grès de chine descendant pour les bordures des trottoirs de Valenciennes
*
L'écluse de Fresnes
L’écluse est une frontière
entourée de vert
Frontière qui maîtrise le courant et l'eau
Frontière qui sépare les terres
allant vers la mer
Rive droite, rive gauche
qui toutes deux peuvent apporter la sérénité, la paix
mais parfois la haine, la guerre
mais toujours la patrie des oiseaux
Le poste de l'éclusier est bâtie à l'étage
comme un phare qui guide les bateliers,
nomades européens.
Janine
* *
Les Malteries
Au commencement, c'est le grain d'orge
Ici la cathédrale du malt,
Et puis bientôt le demi de bière
(grain d'orge, malt, bière)
D'abord c'est le champ du paysan
Puis vient l'art difficile du malteur
Enfin boire ! L'important c'est la mousse
(paysan, malteur, mousse)
Première trempe, deuxième trempe, troisième trempe
Que d'eau !, que d'eau ! Pour faire de l'alcool
Mais surtout l'embryon qu'on touraille
(trempe, eau, touraille)
*
Le port fluvial
Grand jeu de cube des containers
Et le vent dans les saules en face
mille tonnes et la brise légère
(containers, saules, tonnes)
Plus lion le monde horizontal
devant les peupliers tout droits
chemin de halage qui s'enfuit
(horizontal, peupliers, halage)
un canal immobile au soleil
les poules d'eau qui s'agitent dans l'ombre
un lourd chaland ferrailleur qui passe
(canal, poules d'eau, chaland)
Cette eau morte verra-t-elle Anvers ?
*
L'écluse
Enfin, Maigret trouva l'écluse
au bord du chemin de halage
il interrogea l'éclusier
(écluse, chemin de halage, éclusier)
L'homme était devant son écran
Par la fenêtre, face au canal
Il voyait la porte d'amont
(écran, canal, amont)
Il a rappelé le trafic
j'ai vu deux péniches, avalant
et un plaisancier remontant
(trafic, avalant, remontant)
C'est tout ? Eh oui, vous savez les voies navigables !
Jean
Enfin, Maigret trouva l'écluse
au bord du chemin de halage
il interrogea l'éclusier
(écluse, chemin de halage, éclusier)
L'homme était devant son écran
Par la fenêtre, face au canal
Il voyait la porte d'amont
(écran, canal, amont)
Il a rappelé le trafic
j'ai vu deux péniches, avalant
et un plaisancier remontant
(trafic, avalant, remontant)
C'est tout ? Eh oui, vous savez les voies navigables !
Jean
* *
Malterie Malte, c'est pas la croix, plutôt un sacerdoce
Il adore l'orge, surtout les 2 rangs de printemps
Choulette, Pils, Page 24, grains mis en bière
(malte, rang de printemps, bière)
L'usine c'est son bébé
avec des enceintes confinées, des germoirs, des process de chaleur utérine.
Les embryons à tuer dans le touraillage pour des accouchements d'arôme
(usine, enceinte, embryon)
Silo à St Saulve, début du monde
Point de départ pour la planète entière
On va très loin et rien ne se perd en route
(monde, planète, loin)
Le degré en alcool raffole de la balade du grain d'orge
*
Escaut
Au fil du temps, au fil de l'eau, au fil de l'Escaut qui se rideTout change ; on ne se baigne pas deux fois dans la même eau du fleuve
Tout change ; même le travail, surtout le travail et ses mots
(Escaut , fleuve, travail)
Travail du temps, le temps est l’œuvre
Il faut être dans la course, mondialisation oblige
A peine 15 hommes suffisent à faire tourner une usine, à charrier sur un port des tonnes de marchandises
(œuvre, mondialisation, marchandise)
Que pense le fleuve, que pensent les hommes des transformations du monde ?
Technique, progrès, concurrence, cadence, recherche du temps, argent à ne pas perdre
L'Escaut rêve que la vie est un long fleuve tranquille
(transformation, concurrence, rêve)
Et les oiseaux s'en foutent, ils poursuivent leur migration internationale
*
Écluse
Je ne peux pas trop dire mais c'est la fin, l'inéluctable fin des éclusiersOn écluse les éclusiers.
Au rancard des vieux accessoires.
(dire, fin, écluse)
Escalier d'eau, Égaliser les niveaux
Pour que les bateaux circulent de plus en plus gros.
Sur les rives, la dérive de l'écluse
(eau, bateau, dérive)
L'amont de l'éclusier qui perd son aval
La source d'un fleuve qui n'a plus d'embouchure
Mais qui domptera la rentabilité, A contre-courant
(aval, source, rentabilité)
Redonner du sens au travail
Nathalie
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